Sibelius et les nazis : anatomie d’une diffamation

[1]1,332 words

English original here [2]

Je suis un grand admirateur du compositeur finnois Jean Sibelius, qui avec Richard Strauss et Ralph Vaughan Williams, fit partie de la dernière génération (jusqu’ici) des grands compositeurs romantiques européens. Ainsi mon attention fut attirée par un article du 29 novembre 2009 sur Sibelius dans la Chronicle of Higher Education, « A Composer’s Ties to Nazi Germany Come Under New Scrutiny [3] » [« Les liens d’un compositeur avec l’Allemagne nazie suscitent une nouvelle attention »], par Peter Monaghan.

J’aime les exposés comme ceux-ci. J’ai consacré une étude intense à la longue liste des grands compositeurs, écrivains, philosophes, psychologues, chefs d’orchestre, cinéastes et artistes qui furent d’une certaine manière liés au national-socialisme et au fascisme dans toutes ses variétés : des figures comme Martin Heidegger, Ezra Pound [4], Wyndham Lewis [5], Ingmar Bergman, Arno Breker, Herbert von Karajan, Julius Evola [6], Mircea Eliade, Carl Schmitt, Ernst Jünger [7], Knut Hamsun [8], Gabriele D’Annunzio [9], Filippo Marinetti [10], C. G. Jung, Sir Reginald Goodall [11], Louis-Ferdinand Céline, Henry Williamson [12], Wilhelm Furtwängler, Anthony Ludovici [13], et beaucoup d’autres.

En tant que nationaliste racial instruit sur les Juifs, je suis toujours à la recherche de grands esprits qui partageraient quelques-unes de mes préoccupations ou même toutes, dans l’espoir qu’ils pourraient ajouter de la lumière et du lustre à notre cause. Bien que de telles figures arrivent à leurs idées politiques par des routes différentes, elles ont toutes leurs raisons, motifs et buts, qui récompensent l’étude. Assez curieusement, aucun d’entre eux ne voulait conquérir le monde, exterminer les Juifs, ou placer leur botte sur un visage humain.

Avec cela à l’esprit, je lus avidement et attentivement l’article de Chronicle. J’appris que Timothy L. Jackson, un professeur de musique à l’Université du Texas du Nord, affirme que « Sibelius fut coupablement impliqué avec l’Allemagne nazie, et devrait rejoindre Pound, Richard Wagner, et Louis-Ferdinand Céline dans le petit groupe d’artistes qui ont été jeté dans l’ignominie antisémite ».




L’article nous informe qu’il expose sa thèse dans un long essai qui devrait paraître dans la première moitié de 2010, dans un livre intitulé Sibelius in the Old and New World: Aspects of His Music, Its Interpretation, and Reception. Ce livre a été co-rédigé par Jackson et trois de ses collègues et doit être publié par Peter Lang Publishing Group.

Quand j’ai vérifié la dernière fois, Peter Lang était au fond du panier des publications universitaires : une maison d’édition qui accepterait presque n’importe quel manuscrit et le transformerait en livre mal présenté, mal produit, et vendu très cher. Je ne sais absolument pas si Jackson et ses collègues ont réellement payé Lang pour publier leur manuscrit, mais le fait que lui-même soit l’un des corédacteurs fait déjà de cela un exercice d’autoédition (combien pariez-vous que les corédacteurs de Jackson ont aussi des articles dans le recueil ?).

J’aime le titre accrocheur. Je vous défie de trouver un article sur Sibelius qui pourrait être exclu d’un recueil avec ce titre.




Tout cela me donna à réfléchir. Mais ensuite il m’apparut que j’étais peut-être un peu snob. Le facteur décisif devrait être la preuve, après tout. Donc je poursuivis ma recherche pour voir quelles étaient les preuves d’« ignominie antisémite » rassemblées par ce musicologue de l’Université du Nord-Texas dans son article auto-publié dans son volume chez Peter Lang. Voici les preuves présentées par la Chronicle :

1. « La fascination précoce de Sibelius pour la mythologie et le nationalisme finnois étaient en résonnance avec le nazisme ». Les mythes finnois ne sont pas les mêmes que les mythes allemands. Le nationalisme finnois n’est pas identique au nationalisme allemand. Mais être un nationaliste finnois s’intéressant à la mythologie finnoise « résonne » d’une manière ou d’une autre avec le nazisme. Si cela est un argument, il prouve trop. Par exemple, il prouve que chaque Juif qui est fasciné par la mythologie juive et préoccupé par Israël « résonne » aussi avec le nazisme. Le Dr. Jackson pense-t-il que le sionisme est semblable au nazisme ? Quels autres liens a-t-il avec l’OLP ?

2. Sibelius reçut des royalties pour la publication et la représentation de ses œuvres en Allemagne durant le Troisième Reich. Cela fait de Sibelius un antisémite, parce que probablement aucune royaltie ne fut payée à Mahler, puisque ses œuvres n’étaient pas publiées et jouées sous le Troisième Reich.

3. « Sibelius accepta en 1935 une Médaille Goethe qu’Adolf Hitler confirma par sa signature ». Cela fait de Sibelius un antisémite, parce qu’Arnold Schoenberg n’était probablement pas en course pour une Médaille Goethe à cette époque. Les chefs d’Etat signent souvent l’attribution de prix nationaux importants. En soi, cela ne prouve rien. Il serait intéressant de savoir combien d’autres prix nationaux remporta Sibelius et si certains de ces prix furent aussi confirmés par des chefs d’Etat.

4. « A partir de 1941 au moins, [Sibelius] toucha une pension allemande qui valait la moitié du revenu annuel allemand moyen ». La moitié du revenu allemand moyen? Quelle fortune, en effet. Notez qu’on ne nous dit rien sur la source de cette pension, mais on nous laisse penser que c’était pour services rendus au Reich. Quelle sorte de services ? On ne nous le dit pas. Mais peut-être pouvons-nous en inférer qu’ils étaient au moins la moitié des services moyens.

5. « En 1942, des officiels du Troisième Reich approuvèrent la fondation de la Société Sibelius allemande ». Cela fait de Sibelius un antisémite, parce que probablement aucune Société Mahler allemande ne fut approuvée par des officiels du Troisième Reich.

6. « Aucun événement n’illustre plus clairement l’empathie de Sibelius pour l’ethos nazi, pense Jackson, que son retour sur sa promesse d’aider un jeune compositeur partiellement juif, Günther Raphael. Dans les années 1931 à 1936, Raphael implora Sibelius à de nombreuses reprises, d’une manière urgente et obséquieusement, de l’aider à conserver son poste d’enseignant en Allemagne à une époque où les artistes juifs étaient chassés de leurs postes ».

Cela fait de Sibelius un antisémite, parce que seul un antisémite dirait non à un Juif, même un Juif qui est obséquieux et insistant (cinq années de requêtes urgentes et répétées, c’est vraiment ce qui s’appelle insister). J’aimerais connaître la nature de la « promesse » de Sibelius. Je parierais que c’était quelque chose de poliment non-compromettant, du genre « Je verrai ce que je peux faire… », et que cela se transforma ensuite en une occasion de cinq années de harassement et de chantage émotionnel.

Le spécialiste finnoise de Sibelius, Vesa Sirén, rejette cette accusation, affirmant qu’il « ignore que le compositeur reçut, et rejeta, des centaines de requêtes semblables, et que dans les années 30 il en avait assez. En fait, dit Sirén, Sibelius avait accordé tant de recommandations, motivé par la politesse plutôt que par les qualifications de leurs bénéficiaires, qu’‘il avait maintenant le sentiment qu’il était au milieu d’un nid de mensonges’ » (il est réconfortant d’apprendre que toutes les accusations de Jackson sont vigoureusement contestées par les spécialistes finnois de Sibelius, comme étant des déformations et des diffamations).

7. « A la mi-1942 … lorsqu’il semblait encore que l’Allemagne pouvait gagner la guerre, Sibelius accepta d’être interviewé à son domicile en Finlande par Anton Kloss, un correspondant de guerre SS qui avait très probablement participé à des atrocités de guerre ». Sibelius donna apparemment beaucoup d’interviews à des reporters, donc en soi cela ne prouve rien.

J’aimerais savoir pourquoi Jackson pense que le correspondant de guerre Kloss « avait très probablement participé à des atrocités de guerre ». Est-ce simplement parce qu’il était membre de la SS ? Ou simplement parce qu’il était journaliste ? Ecrivit-il une description féroce d’un restaurant en Pologne occupée ? Poignarda-t-il un résistant avec un stylo-plume ?

Et voilà. Voilà toutes les preuves de « l’ignominie antisémite » de Sibelius que la Chronicle trouve bon d’imprimer. Il est clair que le professeur Jackson utilise la nouvelle définition d’un antisémite par Joe Sobran. La vieille définition d’un antisémite, c’est quelqu’un qui hait les Juifs. La nouvelle définition, c’est quelqu’un que les Juifs haïssent.

Je ne sais pas si le professeur Jackson est un Juif, un demi-juif, ou simplement un non-Juif sans scrupules essayant de faire son chemin dans notre culture dominée par les Juifs. Mais je sais que s’il perd un jour son poste universitaire, il est clairement qualifié pour produire des diffamations pour le compte de l’ADL et du SPLC.